Mouhammad Iqbâl

Mouhammad Iqbâl (Rahimahou Allâh) (1877- 1938)

 

La vie de Mouhammad  Iqbâl couvre à peu près que celle du réformateur  ‘Abd Al Hamîd Ibn Bâdîs (1887- 1940).

Il naquit  en 1877 au Pendjab à Sialkot (Inde), au sein d’une famille de Brahmannes du Cachemire convertis à l’Islam depuis plusieurs siècles.

Il fit ses études primaires et secondaires à Sialkot. Très Jeune, il se distingue par son talent de poète et côtoie très vite les grands maîtres de la poésie urdu. Tel que Dagh.

Encouragé par ses professeurs, dont l’érudit  Maubi Mir Hassan, Iqbâl s’installa à Lahore en 1895 pour y entreprendre des études universitaires. Lahore était devenue à cette époque, un grand centre intellectuel et c’est dans cette ville qu’Iqbal sera initié à la littérature et à la pensée occidentale, notamment grâce à la rencontre de Sir Thomas Arnold. Iqbal fut professeur pendant un temps à l’Université de Londres, ami d’intellectuels français tels que Massignon et Bergson.

Il a été profondément  imprégné de la culture islamique dans laquelle il a été formé et la pensée occidentale qu’il a étudié dans les universités allemandes et anglaises.

Après avoir obtenu ses diplômes de droit et son doctorat en philosophie, en Angleterre, au Trinity College de Cambridge, où il était lui-même professeur. Mouhammad Iqbal y étudia la philosophie de 1905 à 1908 et y publia sa thèse de doctorat sur La Métaphysique en Perse, avant de retourner en Inde où lui était offert un poste de professeur au Government College de Lahore. Il est rentré en Inde pour participer au combat culturel et politique qui était celui des élites depuis le 14ème siècle.

Son activité commence vraiment à partir de 19069, date de création de la Ligue des Musulmans en Inde.

L’inde offre alors un terrain privilégié pour la réflexion et l’action. On y rencontre trois communautés différentes aux intérêts divergentes : la majorité hindoue, l’importante minorité musulmane et les Anglais venue en colonisateurs et en missionnaires.

C’est dans ce contexte que se développa la pensée et l’action d’Iqbâl.

Au début, Mouhammad Iqbal se consacra à sa vie d’avocat et de professeur à l’université. puis s’engagea dans le « Mouvement pour le califat » (Khilafat Movement).  après l’échec d’une refondation de cette institution qu’il s’engagea dans la All-India Muslim League, dont il fut le président annuel en 1930. Il ne s’agissait plus pour Mouhammad Iqbâl de lutter pour l’union de l’intégralité des Musulmans sous l’égide d’un unique calife, mais d’obtenir des Britanniques l’autonomie des régions islamiques des Indes Britanniques.Il est élu à l’Assemblée du Pendjab en 1927, et se fait le défenseur de l’idée d’un état musulman dans le Nord-Ouest de l’Inde en sa qualité de président de la Session Annuelle de a Ligue musulmane en 1930.

Il contribuera, par son influence spirituelle à la naissance ultérieure de l’état du Pakistan en 1947. Il assistera en 1932 à la Conférence de la Table ronde, à Londres, en vue d’établir un projet de constitution pour l’Inde.

L a Pensée d’Iqbâl :

Il est l’un des penseurs les plus marquants de la Renaissance musulmane du 14ème siècle de l’Hégire.  Iqbal est avant tout un poète et un philosophe, éveilleur des consciences endormies, rassembleur des ardeurs dispersées. Il «reconstruit» la pensée religieuse, à partir de ses propres concepts, dans une optique dynamique créatrice et heureuse et le système islamique dans sa pureté originelle.

Son rayonnement grandit par son engagement.

Vénéré au Pakistan comme le poète national et de père fondateur, et il est respecté partout en terre d’Islam. Allama Iqbal est considéré comme un des poètes musulmans les plus influents du XXe siècle. Il est aussi vu comme le père spirituel du Pakista

La grande familiarité qu’acquit Mouhammad Iqbal avec le mode de vie européen et la philosophie occidentale lors de son séjour à Cambridge est décisive pour comprendre la conception de l’Islam qu’il défendit tout au long de son existence.
Deux expériences marquèrent cette période de sa vie. La première est la prise de conscience de l’écart scientifique et technique séparant les mondes musulman et occidental à l’aube du XXe siècle. Bien qu’il récusât le matérialisme allant de pair avec le développement économique de l’Europe, il lui importait de comprendre les causes du décrochage des régions islamiques. Cette interrogation n’était d’ailleurs pas propre à Mouhammad Iqbal mais marquait profondément les sphères intellectuelles musulmanes de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. On en trouve un écho tardif mais particulièrement éloquent dans la publication de l’essai du Syrien Chakib Arslân répondant au titre lapidaire de « Pourquoi les Musulmans sont-ils en retard alors que les autres sont en avance ? »

 

En 1939. La seconde expérience qui marqua Iqbal durant son séjour en Europe fut la prise de contact avec la philosophie d’Henri Bergson. En 1907, ce dernier était au faîte de sa gloire : cette année-là, il publiait L’évolution créatrice, qui reçut un accueil triomphal et fut lue avec enthousiasme par le jeune Mouhammad Iqbal. Il y défendait une philosophie de la vie, une pensée du mouvement et une conception « vitale » du réel, opposées à la tradition de philosophie contemplative héritée de la philosophie grecque.

C’est à partir de sa lecture de Bergson que Mouhammad Iqbal entendait à la fois expliquer le « déclin » supposé du monde musulman et contribuer à un renouvellement complet de sa culture. Si les cultures islamiques étaient incapables de modernité, c’est qu’elles s’étaient figées depuis le XIIIe siècle.

Mouhammad Iqbal entendait « remettre l’Islam en mouvement », c’est-à-dire lui rendre sa vitalité et renouer avec la tradition interrompue au XIIIe siècle.

La réflexion religieuse de Mouhammad Iqbal avait des conséquences politiques très fortes, la modernisation qu’il appelait de ses vœux ne devait pas se traduire par une importation directe et irréfléchie des modèles politiques et sociaux de l’Occident. Il était inadmissible que la communauté musulmane importât sans ciller les principes de l’Etat-nation et de la laïcité : « Est-il possible de garder l’Islam comme idéal éthique et de le récuser comme communauté politique au profit de communautés nationales où la disposition religieuse n’est autorisée à jouer aucun rôle ? ».

L’Islam rejette l’idée d’un univers statique, mais adhère à une vision de dynamisme.

Son oeuvre poétique composée en urdu, et en persan est remplie de l’exaltation des gloires passées de l’Islam, de son époque décadente, de réactions contre le conservatisme soporifique des classes dirigeantes, et surtout contre les doctrines négatives et mystiques qui ont amené les Musulmans à un stade médiéval.

Pour parler de l’unité mondiale dans la culture islamique, Mouhammad Iqbal évoque la notion de “Tawhîd” qui réclame la fidélité envers Dieu (Exalté). C’est un facteur vivant dans la vie intellectuelle et émotionnelle de l’humanité. La fidélité en Dieu (Exalté) est dans le même temps la fidélité de l’homme envers sa propre nature idéale. L’Islam n’enseigne pas la renonciation au monde d’ici-bas, mais il condamne l’attachement au matérialisme. «La vraie solitude n’est pas dans le désert, la vraie solitude se trouve dans la foule». (L’aile de Gabriel). Pour ce faire, Iqbal se base sur des données coraniques, il rappelle que le but principal du Coran est «d’éveiller dans l’homme une conscience plus haute de ses multiples relations avec Dieu et l’univers», et il confirme l’homme dans le rôle qu’il doit jouer, «celui de coopérer avec Dieu afin d’aider l’humanité en marche», il est le but même de la création. Ce programme vaste et prodigieux trouvera des échos dans la jeunesse musulmane pour qui «Iqbal est venu parmi elle comme un messie ressuscitant les morts».

Sur le plan politique, c’est un moyen pratique de faire de ce principe un levier galvaniseur dans la vie intellectuelle et émotionnelle de l’humanité. Une société se doit d’avoir des principes éternels pour agencer et réglementer sa vie collective. Mouhammad Iqbal rappelle que l’Islam n’est ni un nationalisme ni un impérialisme, le but de la religion étant de «spiritualiser» les cœurs et toucher l’âme humaine.

Ses contributions sont nombreuses, mais son œuvre principal était le projet d’une reconstruction de la pensée religieuse des Musulmans. Cependant, le message d’Iqbâl s’adresse à tous les Hommes, en prenant comme point de départ les Musulmans : « Mes poèmes persans n’ont pas pour objectif un plaidoyer en faveur de l’Islam. Mon but véritable est de rechercher  un ordre social meilleur et de présenter au monde un idéal universellement acceptable…/… Sans aucun doute, je suis intensément dévoué à l’Islam, mais j’ai choisi la communauté musulmane comme point de départ, non à cause d’un quelconque préjugé national ou religieux, mais parce que c’est le moyen le plus commode d’aborder le problème. »

Mouhammad Iqbal se pose en conseiller des nouvelles générations de musulmans en précisant que l’Islam devrait se mettre «courageusement» à la tâche de la reconstruction qui s’offre à lui. Mouhammad Iqbal détermine trois besoins essentiels pour l’humanité : une interprétation spirituelle de l’univers, une émancipation spirituelle de l’individu et des principes de portée universelle orientant l’évolution de la société humaine sur une base spirituelle.

A travers l’ouvrage “Reconstruire la pensée religieuse de l’Islam”, tout lecteur ne peut être qu’admiratif face à l’indéniable érudition que Mouhammad Iqbal possédait.

 

Cet ouvrage, outre le fait qu’il permet de découvrir la pensée de Mouhammad Iqbal, a une vocation de communication, un pont entre la culture européenne et la civilisation musulmane.

 

Selon Iqbâl, le message du saint Coran et celui du Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui), appellent constamment l’homme à trouver le juste milieu entre sa vie spirituelle et sa vie temporelle. Code complet pour l’homme, guide précieux dans tous les domaines de la vie, politique, économique, sociale et culturelle, le saint Coran n’en est pas moins un rappel à l’homme, qu’il est également mortel. Ainsi, toutes les chances lui sont données pour s’épanouir dans les deux mondes, avec à la sortie la possibilité d’atteindre l’intemporel. Ainsi l’homme se trouve au centre de la philosophie d’Iqbâl, sa conception de la société n’est pas utopique, car il ne fait que reprendre la conception islamique de la société, qui propose une vie en communauté, et aspirant à l’unité, unité des hommes, unité avec Dieu (Exalté), contrairement à l’individualisme, dont nous sommes tous atteints aujourd’hui.

 

Iqbâl mourut (Rahimahou Allâh) en 1938, dix ans avant que ne soit réalisée l’indépendance pakistanaise, à laquelle il avait fourni ses fondements théoriques.

Lorsque le 21 avril 1938, Iqbal mourut, le sourire aux lèvres, il laissa ce quatrain devenu célèbre : « Lorsque je quitterai ce monde, Chacun dira « Je l’ai connu. » Mais la vérité est, hélas ! Que personne ne savait qui était cet étranger ni d’où il venait. »

 

Les Œuvres de Mouhammad Iqbâl

En persan

Les Secrets du moi, Lahore 1915

Les Mystères du non-moi, Lahore 1918.

Message de l’Orient, Lahore 1923.

Le Livre de l’éternité, Lahore 1932.

En ourdou

L’Aile de Gabriel, Lahore 1935.

Le Bâton de Moïse, Lahore 1936.

En anglais

The Development of Metaphysics in Persia, Londres 1908.

The Reconstruction of Religious Thought in Islam, Londres 1934.

Traduction Française

Reconstruire la pensée de l’Islam, par Eva de Vitray-Meyerovitch, Adrien Maisonneuve, Paris, 1955.

Message de l’Orient, par Eva de Vitray-Meyerovitch et Mohammed Achena, Les Belles Lettres, Paris, 1956.

Le Livre de l’éternité, par Eva de Vitray-Meyerovitch, Albin Michel, coll. « Spiritualités vivantes, Paris, 1962.

Les Secrets du soi, par Eva de Vitray-Meyerovitch, Albin Michel, coll. « Spiritualités vivantes », Paris, 2000.

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«Le soleil est dans mon sein, les étoiles sont dans les plis de mes vêtements.
Si tu me contemples, je ne suis rien. Si tu regardes en toi, je suis toi‐même.
Dans la ville et dans la campagne, dans le palais et dans la cabane,
Je suis la douleur et ce qui l’apaise, je suis la joie infinie.
Je suis l’épée qui déchire l’univers, je suis la source de la vie.
Les Gengiz‐Khan et les Tamerlan ne sont qu’une poignée de ma poussière.
Le tumulte de l’Europe n’est comparable qu’au moindre de mes échos.
L’homme et son univers ne sont qu’une de mes esquisses,
Avec le sang de son cœur, je colore mon printemps.
Je suis le feu brûlant, je suis le Paradis du Très‐Haut.
Vois cet étrange spectacle: je suis à la fois immobile et mouvant.
Dans ma coupe d’aujourd’hui, vois se refléter demain.»
(Poème dans la traduction de Mme Eva Meyerovitch et M. Mohammad Achena (éd. Les Belles Lettres, coll. Unesco d’œuvres représentatives‐Traductions de textes persans, Paris)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Author: admin-amdouni