Réponse Dr Hassan Amdouni
La religion musulmane pose plusieurs exigences inédites pour la tradition occidentale dont certaines se heurtent directement aux règles de santé publique et d’organisation du service public. Il s’agit de la question de l’enterrement dans des parcelles réservées aux Musulmans, l’orientation du corps et de la tombe vers la qibla et la mise en terre sans cercueil du mort. Selon les préceptes islamiques, le corps doit reposer en pleine terre, sans cercueil.
En Europe, les musulmans n’ont pas obtenus le droit d’enterrer leurs morts sans cercueil. Quant à la question de cimetières musulmans, à l’exemple des exceptions accordées à la Communauté juive, par exemple en France ou en Belgique, n’a pas aboutie jusqu’à ce jour. Cependant certaines Mairies en France et communes en Belgique, pour satisfaire à la deuxième exigence du rite musulman, à savoir l’orientation des tombes vers la Mecque dans un cimetière communal ont regroupé les caveaux ayant une même orientation, créant par là-même des carrés musulmans. Les familles musulmanes ont accepté cette adaptation, dès lors qu’est préservée l’orientation du corps vers la Mecque.
Le phénomène des carrés musulmans se généralise, bien qu’il y ait un bon nombre de Musulmans qui rapatrient leurs morts dans leurs pays d’origine. Mais avec les nouvelles générations, on a tendance à enterrer les morts dans le pays de résidence. En vérité, cette position est plus conforme à la Sounna. Les savants musulmans jugent répréhensible le déplacement de la dépouille vers un autre pays. Ils l’ont permis dans le cas où il n’y a pas de respect pour la dépouille du Musulman et l’absence de cimetières musulmans.
Il y a un problème majeur qui se pose aux Communautés musulmanes d’Europe, c’est la limitation de la période d’occupation du terrain par les dépouilles. Ceci pose un problème d’ordre juridique et théologique. En France, devant la rareté de l’espace funéraire, les communes ont souvent édicté, dans le cadre fixé par la loi, un système de modulation de la durée d’occupation des concessions. Généralement, le service ordinaire se traduit par la gratuité de la concession et par la possibilité pour la commune de reprendre l’emplacement quelques années après l’enterrement, ce qui entraîne le déplacement des os en ossuaire. La concession peut aussi être louée pour une durée variable, pouvant aller de quelques dizaines d’années à la perpétuité, pour un coût proportionnel à cette durée. Même dans le cas de la perpétuité, le maire peut, en cas d’abandon de la sépulture, récupérer celle-ci pour la réaffecter. Ces pratiques sont difficilement acceptées par les populations musulmanes, car l’Islam interdit l’exhumation des corps où l’on déterre les ossements des morts, sauf pour des raisons graves et en cas de nécessité extrême. L’être humain jouit d’un respect total vivant et mort. D’après nos recherches, c’est ce point qui incite encore beaucoup de Musulmans à rapatrier les corps de leurs proches dans leurs pays d’origine.
Décision 5/6 du Conseil Européen des Etudes et des fatâwâ
Il y a des Prescriptions divines relatives au musulman quand il meurt, comme la toilette purificatrice de la dépouille mortelle, son enveloppement dans un linceul blanc, son accompagnement par la prière funéraire et son inhumation dans un cimetière musulman. Les Musulmans ont leur propre rite dans l’enterrement, la manière de disposer et de creuser leur tombe. Cette dernière doit être aussi simple que possible et orientée vers la qibla (la Mecque). Il s’agit pour les Musulmans de se distinguer des non croyants et des tombes ostentatoires.
En général, chaque communauté religieuse dispose de son propre cimetière. Il est donc tout à fait normal que les Musulmans disposent eux aussi d’un cimetière. Aussi, les Musulmans qui vivent dans les pays non musulmans sont tenus de s’entraider et d’œuvrer ensemble pour disposer de leurs propres cimetières. Ceci participe à favoriser leur intégration tout en préservant leur identité. S’ils n’y arrivent pas, ils devraient au moins pouvoir disposer de carrés dans des cimetières non musulmans.
S’ils ne peuvent avoir ni l’un, ni l’autre (ni cimetière, ni carré musulman), ils pourront dans ce cas enterrer leurs morts dans un cimetière non musulman, car Dieu (Exalté) n’impose rien à l’âme qui soit au-dessus de ses moyens, et le mort musulman ne sera pas jugé fautif s’il est enterré dans un cimetière non musulman. En effet, ce sont les bonnes actions et les efforts qu’il a déployés durant sa vie qui lui porteront secours le Jour de la résurrection et non le lieu où il a été enterré.
Dieu (Exalté) dit : « L’homme ne récoltera que les fruits des efforts qu’il aura lui-même déployés. »(Ste 53/V39)
Salmân al-Fârisî (Que Dieu soit satisfait de lui) a dit : « La terre ne sanctifie personne, ce sont les bonnes actions qui sanctifient l’homme.» (Rapporté par Mâlik dans son Mouwatta’)
La règle en Islam veut que l’on soit inhumé là où l’on décède. Ceci est plus simple pour la famille du défunt qui évite ainsi de rapatrier le corps dans le pays d’origine, avec les frais et les tracasseries administratives que cela suppose. Les proches du défunt peuvent n’avoir d’autre solution que d’enterrer le défunt dans un cimetière non musulman. D’ailleurs, cela encourage la visite des cimetières qui a été institutionnalisée dans l’intérêt même des visiteurs, comme le rappelle le hadith du Prophète (Paix et Salut de Dieu sur lui) : « Je vous avais interdit de visiter les tombes, désormais faites-le car ces visites adoucissent les cœurs, remplissent les yeux de larmes et rappellent le Jour du jugement dernier. » (Hadîth, jugé hasan, rapporté par Ahmad et Al Hâkim, d’après Anas).
Quant au défunt, le musulman peut toujours lui faire des prières et implorer pour lui le pardon de Dieu. Là où il se trouve, ses prières l’atteindront avec l’aide de Dieu.