QUESTION POSEE AU DOCTEUR HASSAN AMDOUNI :
Salam aleycoum Cheykh,
Pourriez-vous nous éclairer sur la question de “al ittibâ’ ” et “at-taqlîd” ?
Nous est-il possible aujourd’hui de répondre aux nouvelles questions sans se référer en cela à l’avis d’une école juridique ? En d’autres termes, peut-on puiser nos réponses directement à la source, c’est à dire le Coran et la Sounna ?
REPONSE DU DOCTEUR HASSAN AMDOUNI :
Dieu (Exalté) a dit :” Qu’on se réfère aux gens qui ont la Science du Livre, si l’on n’est pas instruit.”(Ste 21/V7)
Avec la propagation de l’Islam, et le développement de la Oumma à tous les niveaux, de nouveaux problèmes et questions surgissent dans la communauté musulmane. Pour répondre à ces questions, les gens s’adressèrent aux Compagnons du Prophète (Que Dieu soit satisfait d’eux), puis avec la deuxième génération aux “tabi’în (les Compagnons des Compagnons), puis ensuite aux tâbi’ at-tâbi’în (les Compagnons des Compagnons des Compagnons).
Ces trois premières générations sont ceux appelées : as-salaf as-sâlih (les prédécesseurs pieux). Avec la troisième génération, ces érudits pieux de la Oumma, ont pris la décision, pour ne pas laisser la porte ouverte à la réflexion juridique, à tout individu incompétent, de systématiser la réflexion juridique (al ijtihâd), et ont élaborés, chacun sa propre méthode, au niveau de cette réflexion.
Exemple : L’imâm Malik (Paix à son âme) a fait le choix suivant :
Lorsqu’il se trouve devant un hadith rapporté par une seule personne (Compagnon), et que sur ce même sujet, l’action des gens de Médine le contredit. Il prend en priorité l’action des gens de Médine. Pourquoi ? Parce qu’ils sont les habitants de la cité du Prophète (Paix sur lui). Leurs pères et grands-mères étaient les Compagnons du Prophète et les Compagnons des Compagnons. Ils ont vu et hérité ce savoir prophétique, et leur manière de pratiquer, est celle la plus authentique, d’après l’imâm Mâlik. Donc, leur pratique ou avis sont plus forts que ce que rapporte un seul Compagnon.
Actuellement, il n’y a plus de nouvelles écoles, tout le Droit musulman est une continuité des méthodologies de nos érudits des trois premières générations, surtout la deuxième et la troisième. Sur les questions cultuelles, leurs avis ont priorité, puisqu’ils étaient les plus proches de la première génération, celle des Compagnons, qui a été éduquée et a vécu avec le Messager de Dieu (Paix sur lui).
Pour les questions nouvelles, les érudits ont le droit de se reconnaître dans la méthodologie de l’un des prédécesseurs ou de la tirer de l’ensemble. Quant aux questions nouvelles, en l’absence d’une unité musulmane, chaque érudit effectue son propre ijtihâd, y compris dans les questions qui ont été sujets de divergences, à cause de l’absence de textes de la Loi, volontairement laissé vide par le Législateur (Dieu-Exalté). Personne n’a le droit de jouer au censeur, pour empêcher un érudit de se prononcer, en se proclamant l’exclusivité.
Ce domaine est celui des fatâwâ, qui ne font pas force de loi, mais apporte des réponses à des questions ponctuelles, qui changent selon, le lieu, l’époque et les circonstances.
Le discours que vous entendez, c’est un discours sélectif, cherchant à imposer aux Musulmans un avis unique, sur des questions qui ont été le sujet de divergences dans le passé, mais aussi, concernant des questions nouvelles. La divergence était devenue une science indépendante, dans l’histoire du Droit musulman. Elle a permis à la Loi islamique de répondre, en toute époque aux questions qui ont interpellé les Musulmans. La divergence était courtoise, scientifique et loin de tout fanatisme aveugle et indécent. Que voit-on de nos jours ?
Ces prédicateurs, répétiteurs, faisant l’amalgame, entre les divergences juridiques, légalement admises, et entre la divergence portant sur les fondements de l’Islam ! Ils traitent de pervers, de mécréant, tout individu qui adopte un autre avis juridique que le leur !!!
Que Dieu secoure la Oumma !
Les Textes de la Loi, ne sont pas à la portée de tous, surtout sur le plan juridique. D’où la nécessité de suivre les érudits.
Le fameux discours appelant à un retour au Coran et à la Sounna, est un discours bidon, et il a commencé vers le 18ème siècle. Mais jamais, il n’y a eu de nouveautés sur ce plan.
Quant au retour aux Textes sur le plan de la réforme de la foi des Musulmans et de leur vécu, nous devons tous s’y atteler et l’intégrer dans notre démarche. Il faut savoir, que tous les savants, dont j’ai évoqué la méthodologie, ont, tous, recouru au Coran et à la Sounna. Mais ces spécialistes des Textes, comme le sont les spécialistes du corps (les médecins), interviennent selon des règles et dans le cadre du texte, de sa langue et des preuves disponibles, d’où la diversité des réponses, comme le sont les diagnostics des médecins…
Le commun des Musulmans, en l’occurrence moi et vous, il est sûr, que nous ne sommes pas des savants, donc, on ne peut avoir une lecture personnelle des Textes de la Loi. Si nous dépassons ce stade des simples mouqallid, on devient mouttabi’ avisé, si on a acquiert un certain degré de la connaissance de la Loi, on est étudiant, si on a dépassé ce stade d’al iqtisâd (du minimum requis), on est sur le chemin de l’érudition, c’est-à-dire : on n’est plus mouqtasid”, mais nous ne sommes pas érudits. L’érudition, c’est un enseignement de toute une vie. J’ai eu l’honneur d’entendre un vrai savant érudit, il a dit : je me considère toujours étudiant !
L’imâm Ach-Châfi’î (paix à son âme) a dit : Chaque fois que je me vois progresser dans le chemin de la science, je me vois progresser dans ma certitude que je suis encore ignorant !
Pour avoir un petit aperçu sur le Droit musulman et son évolution, je vous recommande de lire le livre de Bilal Philips sur l’histoire du Droit musulman et le livre de Saïd Ramadan : la Charî’a.
Il est triste de voir de jeunes gens, ignorants la langue du Texte, se donnent le droit de critiquer et d’insulter des savants musulmans, anciens et contemporains. Ils ont oublié que notre Prophète (Paix sur lui) a annoncé, aux savants, une récompense de la part de Dieu en cas d’erreur, quand ils accomplissaient sincèrement un effort de réflexion juridique pour leur communauté. Ils seront doublement récompensés, s’ils cernent la vérité ! Il faut rappeler, que le Prophète (Paix sur lui) a exclu de notre communauté ceux qui manquent de respect envers nos savants ! Le courant salafî, est une forme d’expression du droit hanbalite. Vérifiez les réponses qu’ils vous donnent, et vous serez bien renseignée. Ce sont toujours, les avis de l’imâm Ahmad Ibn Hanbal, d’Ibn Taymiyya et d’Ibn Al Qayyim (Paix à leurs âmes), qu’ils mettent en exergue ! Ils sont, très certainement, nos maîtres, mais ils ne sont pas les seuls, et ils ne sont pas infaillibles ! J’espère, ma sœur, avoir répondu à vos questions, je m’excuse pour le retard. Il y a tellement de choses à faire.
Je prie le Seigneur, de me pardonner mes erreurs. Il est, en vérité, Le Savant.